Fraiche et souriante Rosanna Oliva regarde avec émotion et émerveillement l’auditoire qu’elle a réuni pour célébrer les 50 ans de la décision de la Cour Constitutionnelle italienne qui a autorisé le 13 mai 1960 les femmes à accéder aux plus hautes fonctions de l’Etat en abrogeant toutes les lois qui dérogeaient au principe de la parité entre hommes et femmes prévu par la Constitution de 1948.
Rosanna parle avec précision de sa détermination à se battre pour obtenir le droit de poursuivre une carrière dans une société qui ne reconnaissait aux femmes ni le droit au divorce, ni à l’interruption volontaire de grossesse mais qui prônait encore le mariage “réparateur” pour effacer ce qui n’était pas encore reconnu comme un crime: le viol.
Les femmes venues célébrer Rosanna sont juges à la Cour Constitutionnelle, Directrice de l’Institut des Statistiques, une “Prefète” du Ministère de l’Intérieur, la Vice-Directrice Générale de la Banque D’Italie, une Ambassadrice….toutes débutent en remerciant Rosanna Oliva à qui elles doivent leur carrière.
Elles sont sémillantes ces dames: souriantes, dynamiques, magnifiquement habillées et coiffées, elles osent la couleur et les bijoux discrets. Elles parlent de leurs difficultés, seules face à tous ces hommes mais aussi de leurs succès, de leurs satisfactions. Et ça frise la soixantaine? Voilà un stéréotype sur les femmes qui font carrière et qui ne sont pas “féminines” qui vole en éclats.
Les chiffres font encore peur: seulement 46.4% de femmes ont un emploi rémunéré en Italie avec de très fortes disparités Nord /Sud. Le Nord a des résultats proches de la moyenne européenne, le Sud frôle les chiffres du Moyen-Orient (28%). Une seule femme ambassadeur, seules 2 femmes sont à la première section de la Cour de Cassation, il y a seulement 12 Présidentes de Tribunaux. Alors qu’en Italie comme en France les femmes gagnent la plupart des concours.
L’auditoire, composé de femmes jeunes et moins jeunes (quelques hommes accompagnent leurs célèbres épouses) applaudit, rit et babille incessamment. On se salue entre copines, on est à la fête.
J’étais sortie du bureau après une journée frustrante et pleine d’embûches. A les regarder, je me suis prise à imaginer comment aurait été une célébration masculine? Certainement ces messieurs auraient eu les tempes aussi grises que la couleur de leur habit. Mais surtout c’est dans un silence révérencieux cadencé par des “Excellence” “Mon cher Maitre” “Monsieur le Juge” qu’ils auraient laissé tomber de très haut la somme de leur expérience oubliant très certainement à qui ils la devaient.
Enfin c’est une rêverie absurde! Comment un homme peut-il en remercier un autre de lui avoir fait sauter un cadenas? Sait-il seulement ce qu’est une porte qui lui est fermée parce qu’il appartient au sexe masculin?
Si les hommes veulent se priver des femmes aux postes de pouvoir qu’ils sachent qu’ils se privent aussi d’une excellente compagnie.
Serena Romano per Terrafemina
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